Le fascisme est la révolte de l’impuissance

Le fascisme naît de deux sentiments : celui que quelque chose « ne tourne pas rond » (comme dirait Morpheus dans le premier opus de la trilogie Matrix) et celui qu’on est politiquement impuissant. C’est ce qui amène les gens à justifier cette impuissance par la théorie du complot. En effet, si le monde va mal, quoi qu’on veuille dire par là, c’est parce qu’une élite possédant d’immenses pouvoirs façonne le monde selon sa volonté. De plus elle agit de manière cachée, bien qu’elles les tirent, on ne sait pas par quelles ficelles elle parvient à ses fins. Comment donc lutter ? Enfin, elle a corrompu absolument toutes les institutions, la classe politique, les médias, le gouvernement… Comment lutter ? Il est important ceci dit de comprendre que ce conspirationnisme n’est pas un constat qui cause le sentiment d’impuissance il est, comme je l’ai dit, une justification donc une conséquence du sentiment d’impuissance.

La révolte fasciste ne peut alors que s’exprimer dans la délégation. Un élu, qui est en réalité un leader charismatique ayant saisi l’essentiel de ce qu’on vient de dire, se propose de prendre en charge la lutte contre ce système. Ce leader est présenté comme une personne désintéressée, qui sort du peuple et n’a rien à voir donc avec la classe politique ou médiatique corrompue ou alors qui en revient après avoir expérimenté toutes ses vicissitudes. Sa proposition est de purifier l’état. Sa stratégie passe naturellement outre les institutions et leurs règles du jeu (non-violence, élection par exemple) puisque celles-ci sont corrompues.

Comment se prémunir contre ce sentiment d’impuissance ? En participant aux luttes collectives. En constatant par sa pratique que, si, on est puissant. Pas individuellement, effectivement, mais en tant que classe. Il peut alors sembler que le serpent se mord la queue : quelqu’un se sentant impuissant ne va pas lutter car il pense que c’est inutile, il ne comprendra donc jamais qu’en réalité il a une influence et donc restera impuissant. Qu’est-ce-qui fait donc qu’on lutte ou pas ? La réponse est très simple : sa classe sociale.

Et c’est pour cette raison que le fascisme prend racine dans la petite-bourgeoisie et sa frustration. Celle-ci n’étant pas une classe elle a tendance à s’écarter de l’action collective, de la lutte de classe. Elle est atomisée, sa révolte est individuelle et romantique, donc vouée à l’échec et au sentiment d’impuissance.

Lorsque le mouvement fasciste s’enclenche, il parvient tout de même à entraîner dans son sillage une partie du prolétariat. C’est que la dimension culturelle est aussi primordiale. Dans une société où le prolétariat ignore l’histoire de ses luttes et de ses victoire et peut lui-même être atomisé alors il peut lui aussi céder à la propagande initialement développée par la petite-bourgeoisie selon laquelle il est impuissant. Il est donc primordial d’entretenir le souvenir des luttes collectives en plus de faire de l’économie politique (ce qui permet de proposer une analyse solide des effets néfastes de la société et de leurs causes dont le fascisme est incapable).