Les espèces humaines

Quand on parle de l’humanité on parle généralement de l’espèce Homo Sapiens. Ce qu’on raccourcit parfois en « L’espèce humaine ». S’il est vrai que nous sommes la dernière des espèces humaines qui ne se soit pas éteinte, cette formulation cache justement qu’il y en a eu plusieurs.

En réalité, dans l’expression Homo Sapiens c’est le terme Sapiens qui précise l’espèce. Le terme Homo, duquel provient le mot « humain », fait référence au genre. Homo habilis, homo erectus, homo neandertalensis, homo ergaster, homo floresiensis sont ainsi d’autres espèces du genre humain. Et ils ne sont pas (tous) nos ancêtres. Certaines de ces espèces ont même vécu à des époques où les Homo Sapiens était déjà apparus.

Taxonomie de l’humanité

Taxonomie inspirée de la classification de Guillaume Lecointre et Hervé le Guyader.
https://www.hominides.com/html/dossiers/hominoide.php

Une espèce est définie comme l’ensemble des individus dont les patrimoines génétiques sont suffisamment proches pour qu’ils puissent avoir des descendants fertiles. En pratique, délimiter une espèce comporte une part d’arbitraire. Idem pour tous les autres taxons. Ainsi, les lions et les tigres sont des espèces différentes pourtant il arrive exceptionnellement qu’ils aient des enfants qui ne sont pas stériles. C’est aussi le cas pour Homo Sapiens et Homo Neandertalensis. De la même manière on peut trouver des espèces dont on ne sait pas exactement si on doit les définir comme animales ou végétales – ici c’est donc la définition du Règne qui est en question.

La taxonomie proposée ci-dessus (Règne / Embranchement / Classe / Ordre / Famille / Tribu / Genre / Espèce) se base sur la proximité morphologique et génétique. Chaque échelon permet de remonter dans le temps au moment où des lignées se sont séparées. Par exemple le sous-embranchement des vertébrés regroupe tous les animaux qui descendent de la première espèce à avoir eu des vertèbres. Cette espèce est appelée « l’ancêtre commun » des vertébrés.

Les chimpanzés sont donc l’espèce encore vivante avec laquelle nous avons le plus récent ancêtre commun. On estime que la lignée ayant évolué jusqu’à donner les chimpanzés actuels et la lignée qui a évolué pour donner les humains se sont séparées il y a environ une dizaine de millions d’années. Concrètement, ça veut dire qu’à partir de cette époque les différences entre la population qui allait évolué en humains et celle qui allait évolué en chimpanzés sont devenues trop grandes pour qu’elles puissent se reproduire entre elles. Avant ça les ancêtres des chimpanzés et les ancêtres des humains étaient interféconds.

Le fossile le plus ancien d’une espèce dont nous, Homo Sapiens, sommes les seuls descendants encore en vie est Sahelanthropus tchadensis. Il a été daté d’environ 7 millions d’années à l’aide des fossiles d’autres mammifères retrouvés sur le même site.

Ses premiers descendants à notre connaissance sont les Australopithèques et les Parenthropes. Les Australoptihèques sont les plus connus grâce au film L’odyssée de l’espèce qui met en scène Lucy, un spécimen dont nous avons retrouvé une grande partie du squelette bien conservée. Ils sont apparus il y a approximativement 6 millions d’années. Il est possible que le genre Homo descende d’une des espèces d’Australopithèque s’étant singularisée. Cependant, Homo habilis et Homo rudolphensis ont côtoyé des espèces d’Australopithèques et de Parenthropes.

Les plus vieux représentants du genre Homo sont les Homo rudolphensis dont l’espèce est apparue il y a à peu près 2,4 millions d’années. Les plus vieux fossiles d’Homo habilis sont datés de 2,3 millions d’années. Mais Homo Sapiens ne descend probablement ni des uns, ni des autres.

Il est assez compliqué de connaître la généalogie exacte d’Homo Sapiens. On sait que nous étions féconds avec les Hommes de Néandertal car on retrouve (un peu) de l’ADN de ces derniers chez des Homo Sapiens actuels – c’est aussi le cas avec les Hommes de Denisova. Or on sait que durant les migrations des Sapiens hors d’Afrique notre espèce a croisé les Néandertaliens durant 2 périodes. Soit vers -90 000 au Proche-Orient et vers -40 000 en arrivant en Europe. A ces époques les deux espèces avaient des caractéristiques morphologiques qui permettent aux archéologues de bien les distinguer. Ce qui signifie qu’elles se sont différenciées il y a quelques centaines de milliers d’années. Des données génétiques indiquent environ 650 000 ans.

Nous aurions donc un ancêtre commun avec l’Homme de Néandertal. Homo Antecessor dont des ossements datant de 800 000 à 900 000 ans avant JC ont été retrouvés sur le site d’Atapuerca partage des caractères associés aux Homo Sapiens et d’autres plus Néantarliens. Il est aussi possible qu’Homo Heidelbergensis dont les premiers représentants dateraient de 700 000 ans descende d’Homo Antecessor et ait ensuite donné naissance aux espèces Néandertal et Sapiens1.

On en arrive enfin à notre espèce. Le premier fossile d’Homo Sapiens a été daté de 300 000 ans avant aujourd’hui (+/- 30 000 ans). Il a été retrouvé au Maroc sur le site de Jebel Irhoud. Juan Luis Arsuaga, un paléontologue spécialiste de l’étude des humains, préfère, dans on livre La fabuleuse histoire de la vie, le considéré comme un « pré-sapiens » étant donné qu’il subsiste encore des différences morphologiques notables avec les représentants plus récents de notre espèce.

Apparition des caractères

Le genre humain se définit par plusieurs critères : bipédie permanente, le langage articulé, capacité de la boîte crânienne. Certains auteurs ajoutent des critères d’ordre « culturel » comme la fabrication et l’usage d’outils ou la pratique de rites, l’élaboration de mythes. Pour moi c’est hors de propos à moins de montrer que ces caractères sont directement liés à des gènes spécifiques qui puissent expliquer qu’il n’y ait pas d’interfécondité. Sans quoi, ils ne permettent même pas de distinguer deux espèces. D’ailleurs la fabrication et l’usage d’outil est un comportement que l’on retrouve chez d’autres genres.

Le genre humain apparaît pendant une période de refroidissement du climat entraînant un assèchement et donc une réduction de la superficie des forêts. Les humains ont donc dû diversifier leur régime alimentaire (viande probablement occasionnelle, régime alimentaire « opportuniste »).

La bipédie date d’environ 7 millions d’années. On considère que Sahelanthropus tchadensis se déplaçait majoritairement sur deux jambes. Déjà Platon définissait l’humain comme un bipède sans plume avant d’être ridiculisé par Diogène ayant plumé un poulet et se baladant dans Athène en clamant qu’il avait trouvé l’humain de Platon.

La plupart des grands singes ont une bipédie partielle. C’est pourquoi on parle aujourd’hui de bipédie permanente pour définir les caractéristiques humaines. D’après Yves Copens2 la bipédie commence à apparaître chez les hominidés il y a 10 millions d’années car l’environnement se découvre. L’assèchement du climat fait reculer la forêt et étend la savane. Cette évolution se fait lentement, il y a 6 millions d’années les australopithèques apparaissent et ils ne sont pas encore totalement bipèdes. D’après d’autres théories cette bipédie libère les mains et permet la fabrication et l’usage plus systématiques d’outils.

Les premiers outils lithiques sont datés de 3,3 millions d’années. A cette époque il n’y avait pas encore d’humains sur Terre. Autrement dit, les premières pierres taillées ont été façonnées par des australopithèques ou des paranthropes. Elles ne sont pas l’apanage du genre humain et encore moins de notre espèce. D’autres découvertes datent de 2,6 millions d’années, encore des pierres taillées. Celles-ci ont probablement été taillées par des Homo habilis. En 700 000 ans les homininés ont juste perfectionné et banalisé la taille de pierre.

Ce ne sont cependant probablement pas les premiers outils. On peut très bien envisager que ceux-ci aient été fait dans une matière qui malheureusement ne se conserve pas avec le temps comme du bois. On sait par exemple que les chimpanzés cueillent puis effeuillent des brindilles pour débusquer des termites. Ce qui peut s’apparenter à un outil. De tels outils en matière friable n’ont pas pu être conservé jusqu’à nos jours. C’est pourquoi lorsqu’on parle des premiers outils on parle d’outils lithiques.

Le volume de la boîte crânienne évolue de façon plutôt continue. La taille du cerveau doit être cependant rapportée à la taille du corps si on veut en déduire de façon à peu près fiable l’intelligence des représentants d’une espèce. Enfin généralement on compare la masse du cerveau à la masse du corps pour obtenir un ratio. Mais celui-ci dépend de la taille du corps, le ratio est ainsi plus élevé chez le ouistiti que chez l’humain, le chimpanzé ou le gorille.

A titre de comparaison :

Les cerveaux des australopithèques tournent aux alentours de 400 cm cube.
Ceux des homo habilis font environ 600 cm cube.
650 cm cube en moyenne pour les chimpanzés. Leur cerveau pèse 1/90 de leur corps.
1100 cm cube pour les homo erectus.
1350 cm cube pour les homo sapiens. Le cerveau fait 1/45 de la masse totale du corps.
Et 1500 pour les Hommes de Néandertal.

La plupart des tailles sont tirées toujours de cet excellent site web.

La manipulation du feu est d’abord l’œuvre d’Homo erectus. Les premières traces remontent à -800 000 ans en Israël mais peut-être pas encore bien maîtrisé et -400 000 ans en Chine (il n’y avait pas encore d’Homo Sapiens à l’époque et on n’a pas de traces des Hommes de Néandertal ailleurs qu’en Europe ou au Moyen-Orient).

Les premières sépultures datent de 130 000 – 120 000 ans pour Néandertal comme pour Sapiens.

Répartition géographique

Tous les premiers fossiles du genre humain ont été trouvés en Afrique. Homo erectus et Homo habilis ont précédé les Homo Sapiens dans l’exploration des autres continents il y a 1,8 Millions d’années. On estime qu’Homo Sapiens est apparu en Afrique mais d’autres voix s’élèvent pour prétendre qu’il aurait pu apparaitre à différents endroits du Vieux Monde (Afrique / Asie / Europe) en même temps à partir d’un même ancêtre (Homo erectus par exemple).

Scénario Out of Africa :

Homo erectus sort d’Afrique il y a 1,5 Millions d’années.

A partir d’il y a 150 000 ans Homo Sapiens occupe « toute » l’Afrique.

Il sort d’Afrique vers -90 000 ans (entre -100 000 et -60 000 ans par plusieurs migrations de différents groupes) par le Proche-Orient (sites archéologiques en Israël), on trouve des fossiles datant d’à peu près la même époque en Chine. Et un fossile de mastodonte en Californie avec des traces de découpe dessus datant de 130 000 ans. Traces associées soit à Sapiens, soit à Néandertal.

Arrivée il y a environ 60 000 / 50 000 ans en Australie après avoir progressé le long de l’océan indien.

Il arrive vers -40 000 ans en Europe.

Vers -24 000 ans il arrive en Amérique par le détroit de Béring. Il reste confiné en Alaska et au Canada jusque vers -13 000 ans puis commence à conquérir le continent entier.

Puis « plusieurs milliers d’années plus tard, après avoir appris à naviguer sur de très longues distances et à domestiquer les animaux et les plantes4 » il atteint les îles du Pacifique.

L’arrivée en Australie, en Amérique et en Pacifique s’accompagne systématiquement d’extinction de plusieurs autres espèces animales. Les humains ont déjà acquis des technologies et stratégies leur permettant de chasser efficacement et les animaux de ces continents et îles ne sont pas habitués à de tels prédateurs5.

Sédentarisation et agriculture

Le néolithique commence avec l’interglaciaire (caractérisant notre ère)3. Il caractérise une période humaine marquée par de nouveaux modes de vie qui commence en environ 10 000 ans avant JC. Néolithique signifie littéralement nouvelle pierre car cette période correspond à la maîtrise de la pierre polie, et non plus seulement taillée. Mais ce qui change avant tout c’est la domestication des plantes et des animaux soit l’agriculture et la sédentarité. Enfin cette période correspond aussi aux débuts de la céramique en terre cuite.

Le phénomène de néolithisation n’apparaît pas partout aux mêmes moments. Certaines sociétés très récentes ne sont jamais passées par ce stade. Cependant, les sociétés issues du néolithique sont à l’origine des grands royaumes et empires qui ont ensuite conquis la planète jusqu’à asservir tous les autres types de société.

Au Proche-Orient : Sédentarisation de groupes humains il y a 14 000 ans (avant le présent = 12 000 avant JC) qui cultivent et élèvent de nombreuses autres espèces. La néolithisation s’achève en 9500 ans avant JC et 500 ans plus tard invention de la poterie.

Premiers villages souvent construits autour d’un grand bâtiment collectif central.

Il a fallu 1000 ans pour domestiquer les ovins et bovins et 1000 ans à nouveau « pour que la viande d’élevage ait surpassé définitivement la viande de chasse ».

Fin de la transition néolithique il y a 6500 ans (4500 avant JC) avec l’apparition des premières villes et de l’écriture en Mésopotamie.

La néolithisation se propage de proche en proche en Afrique et en Europe à partir du Proche-Orient avec importation d’espèces de plante et d’animaux (comme le blé ou le cochon). 6000 ans avant JC la transition néolithique avait gagné toute l’Europe. Ce fut le cas en -2500 pour l’Afrique.

En Chine : d’il y a 10 500 ans à il y a 8800 ans processus comparables plus tardifs mais plus rapides. En Chine le Néolithique commence avec la poterie. L’agriculture fait son apparition plus tard.

La néolithisation a amené une croissance démographique en réduisant les dépenses énergétique et augmentant le nombre de naissances par femmes. Expansion des maladies à cause de la plus grande concentration humaine et la proximité avec les autres animaux.

Accumulation de richesses et apparition de fortes inégalités. Rupture culturelle aussi impulsée par la domestication de l’environnement. Concentration du pouvoir politique et « premiers grands conflits armés ». Mais aussi coopération plus systématique témoignée notamment par la prise en charge des malades, blessés, infirmes, personnes âgées…

« Un environnement trop favorable, comme celui des régions équatoriales, ne favorise pas une telle invention, l’agriculture réclamant plus de travail que la chasse et la cueillette, de même qu’un environnement trop défavorisé la rend impossible. C’est donc dans des zones intermédiaires qu’est apparue l’agriculture.3 »